Sida et droits

9 Déc 2024 | Sida | 0 commentaires

Le sida a changé de nombreux rapports au sein des couples mais aussi dans les relations employeur/employé, élève/école, etc. Personne n’est réellement à l’abri de discriminations. Pour faire un rapide tour d’horizon, il suffit de penser aux tests de dépistage obligatoires dans certaines entreprises, au refus d’inscrire un enfant séropositif dans une école, à la soumission, pour la délivrance d’un visa dans certains pays, à un dépistage du sida.

En Belgique, en matière de discriminations, la Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations (mise à jour 6 août 2024) peut s’appliquer dans les cas de discrimination fondée sur l’état de santé actuel ou futur. La loi interdit toute discrimination fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.

En Belgique, il n’y a pas de législation spécifique sur le sida, ce sont les dispositions légales de droit commun qui sont d’application dans différentes situations : accueil des enfants, droit au travail, secret médical et respect de la vie privée, assurances, etc. De nombreux textes légaux garantissent la protection de la vie privée de chacun et le droit pour toute personne de garder secrètes des informations relatives à son état de santé.

En 2017, l’Observatoire du sida et des sexualités (Université Saint-Louis) et Unia ont réalisé une enquête, à travers les signalements traités par UNIA depuis 2003, qui indique que les discriminations envers les séropositifs perdurent :

  • En ce qui concerne les biens et les services : la plupart des signalements analysés concerne un refus d’assurance ou une surprime en raison de la séropositivité du demandeur. La non-confidentialité des informations médicales (par exemple pour les assurances-groupes professionnelles) est également problématique.
  • En ce qui concerne le travail : un quart des signalements concerne essentiellement des licenciements ou des non-renouvellements de contrat qui surviennent après la divulgation de la séropositivité ou les absences du travailleur en raison d’une détérioration de l’état de santé.
    Le harcèlement ou le blocage de carrière et les tests de dépistage obligatoires ou réalisés à l’insu, peuvent aussi mener à une pression, à la démission voire au licenciement.
    Il y a régulièrement des exclusions d’une formation professionnelle liées au fait que le demandeur est confronté à un questionnaire médical ou une visite médicale.
  • En ce qui concerne la vie privée : même les personnes n’ayant pas été discriminées ont intériorisé le risque de pouvoir l’être et anticipent donc ce traitement différentiel en se mettant elles-mêmes à l’écart. Il ressort très clairement de cette enquête que les conséquences sont nombreuses et ne se limitent pas à un déni d’égalité dans l’accès aux ressources et positions, elles suscitent également des sentiments délétères (injustice, abandon, trahison, honte) susceptibles d’aggraver l’état de santé des personnes vivant avec le VIH. De plus, beaucoup, afin d’esquiver ou anticiper les discriminations, adoptent une stratégie du silence, en ne divulguant pas leur statut sérologique. Or, ces deux éléments conjugués vont à l’encontre des recommandations de la politique de lutte contre le sida.
  • En ce qui concerne l’accès au séjour pour les étrangers : la séropositivité n’est pas toujours reconnue par l’Office des étrangers comme élément donnant droit à une autorisation de séjour pour motifs médicaux (Loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers 15 décembre 1980 article 9ter). A la difficulté de gérer le VIH, se rajoutent l’incertitude du statut administratif et l’impossibilité de trouver un emploi et donc un revenu.

Source : Unia

Après avoir effectué un test d’embauche, l’employeur exige un test de dépistage du SIDA. Est-ce légal ?

Ce n’est évidemment pas légal mais entre la législation et les pratiques de certaines entreprises ou administrations, le fossé est grand.

En ce qui concerne, la législation, la Loi du 28 janvier 2003 relative aux examens médicaux dans le cadre des relations de travail (mise à jour 15 février 2023), interdit le test de dépistage du VIH.

Personne n’est obligé de révéler sa séropositivité à un employeur, ni durant le processus d’embauche, ni durant l’exécution du contrat ou lors d’une incapacité de travail. Les principes du respect de la vie privée sont inscrits à l’article 22 de la Constitution belge et dans la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel. La loi du 22 août 2002 sur le droit des patients a rappelé ce principe : la vie privée du patient doit toujours être respectée.

Lorsqu’on est séropositif, est-il possible de contracter une assurance ?

Il est possible que votre demande d’affiliation soit refusée ou que vous deviez payer une prime supplémentaire.

En effet, certaines compagnies d’assurance prévoient des clauses discriminatoires qui excluent explicitement les personnes séropositives ou malades du sida.

La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre interdit aux assureurs de réclamer des tests génétiques mais ce n’est pas le cas pour les prises de sang. Donc, dans le cas où une prise de sang est demandée, vous êtes tenu d’informer de votre statut et tout mensonge est vu comme une fraude à l’assurance. Il ne faut pas oublier que dans la plupart des cas, le preneur d’assurance est tenu de révéler tous les éléments qui permettent à l’assureur d’évaluer au mieux le risque et qu’une omission peut mener à la nullité du contrat. Donc si une compagnie d’assurance exige de déclarer sa séropositivité pour conclure un contrat, mieux vaut la déclarer au moment de la demande, sinon vous risquez de perdre la couverture de l’assurance s’il y a des complications ou un décès.

Il existe toutefois une exception concernant l’assurance hospitalisation. En effet, l’assureur ne dispose que de deux ans pour faire annuler un contrat d’assurance hospitalisation au motif que le preneur d’assurance avait connaissance de sa contamination au VIH au moment de la conclusion du contrat. Une fois ce délai de deux ans (à partir de la conclusion du contrat) passé, l’assureur ne peut plus invoquer la séropositivité du preneur comme motif d’annulation du contrat.

Une personne atteinte de maladie chronique peut porter plainte pour discrimination en cas de refus d’affiliation ou de surprime seulement si la justification de l’assureur n’est pas proportionnée et raisonnable. Il est donc toujours difficile d’obtenir un prêt à la consommation ou une assurance (vie, hospitalisation).

Unia rappelle qu’un Tribunal pourrait estimer qu’il n’y a pas de discrimination dans le cas d’une surprime qui compenserait le risque pris par l’assureur. Les compagnies d’assurance ne sont pas des organismes philanthropiques mais des entreprises commerciales à but très lucratif.

Les parents d’un enfant séropositif peuvent rencontrer des difficultés à trouver une école acceptant de l’inscrire. Qu’en est-il au niveau de la loi ?

En novembre 2002, une circulaire ministérielle est parue concernant l’accueil des enfants et adolescents infectés par le VIH dans les institutions dépendant de la Communauté française ou subventionnées par celle-ci.

Cette circulaire précise qu’il est hors de question de refuser l’inscription d’un enfant ou d’exclure un enfant ou un membre du personnel sur base de sa séropositivité. Il existe, d’une part, une obligation de discrétion professionnelle de la part des enseignants et des éducateurs concernant la santé des enfants. D’autre part, les parents n’ont aucune obligation d’informer l’école de la séropositivité de leur enfant puisque dans le cadre de rapports quotidiens il n’y a aucun risque qu’un enfant séropositif transmette le virus à quelqu’un de son entourage. Cependant, si les enseignants apprennent la séropositivité de l’enfant fortuitement, les réactions sont parfois très négatives car les enseignants ou les éducateurs ne sont pas toujours préparés à l’accueil d’un enfant séropositif.

L’école, elle-même, peut aussi subir de fortes pressions d’autres parents informés de la séropositivité d’un enfant. La peur et la mauvaise information des parents est un élément important à gérer. C’est évidemment aux parents à prendre la décision. Une possibilité est d’informer une personne de confiance au sein de l’école qui pourrait aussi être une personne de référence pour leur enfant.

Est-il vrai que certains pays restreignent l’entrée sur leur territoire aux personnes séropositives ?

Lorsque vous voyagez, rien ne vous oblige à dévoiler votre statut sérologique mais vous allez devoir prendre avec vous vos médicaments identifiables par la douane comme médicaments anti-VIH (demandez à votre pharmacien d’identifier vos médicaments par leur nom scientifique).

De nombreux pays, territoires et régions n’imposent pas de restrictions à l’entrée, au séjour et à la résidence liées au VIH. Parmi les pays qui en imposent encore, notons que les restrictions concernent de moins en moins les voyages de courte durée que l’établissement de longue durée.

A cet égard, en 2014, l’Australie s’est engagée à ce que les demandes de visas pour une résidence de longue durée émanant de personnes vivant avec le VIH soient traitées sur la base des critères applicables à toute personne souffrant d’une maladie chronique.
Quelques pays imposant des restrictions :

  • En Arabie Saoudite – Un Certificat de test VIH est requis pour toute personne qui demande un permis de travail et de séjour.
  • En Chine – Les visiteurs de courte durée ne sont soumis à aucune restriction, mais les visas de travail et d’études de plus de six mois doivent être assortis d’un test de dépistage du VIH.
  • A Cuba -les étudiants souhaitant obtenir une bourse d’études pour Cuba doivent passer des tests. Un test de dépistage du VIH est obligatoire pour les ressortissants étrangers qui souhaitent rester à Cuba plus de trois mois.
  • En Israël – Les demandeurs de permis de travail doivent subir un bilan de santé, y compris un test de dépistage du VIH.
  • En Malaisie – Un bilan médical complet est exigé dans le mois suivant l’arrivée et sur une base annuelle.
  • Au Nicaragua – Pour les séjours de plus de 3 mois, la présentation d’un certificat médical est demandée.
  • En République Dominicaine – Des restrictions s’appliquent aux demandeurs de permis de travail et de séjour.
  • En Russie – Un résultat négatif au test VIH est exigé pour les séjours de longue durée (plus de trois mois), pour les étudiants et pour les salariés étrangers.

Ces mesures sont de plus en plus critiquées par les organisations internationales, qui soulignent qu’elles ne contribuent pas à la protection de la santé publique et renforcent la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH.

La situation des pays imposant des restrictions peut évaluer. Ainsi, en octobre 2021, la Nouvelle-Zélande a retiré le VIH de la liste des conditions médicales jugées susceptibles d’imposer des exigences ou des coûts importants au système de santé néo-zélandais. Taïwan et la Corée du Sud ont également récemment levé ces restrictions, montrant un mouvement vers des politiques plus inclusives.

En janvier 2013, la Mongolie a adopté une législation de grande envergure supprimant, entre autres, les restrictions à l’entrée, au séjour et à la résidence liées au VIH et les restrictions à l’emploi empêchant les personnes vivant avec le virus d’exercer certains métiers, notamment dans l’industrie alimentaire.

Si vous partez à l’étranger, visitez le site http://www.hivtravel.org, base de données qui répertorie, pays par pays, comment chaque gouvernement du monde impose ou n’impose pas de restrictions quant à l’entrée, au séjour des étrangers séropositifs. Vous pouvez également contacter l’ambassade du pays où vous allez voyager. Ces mesures de stigmatisation et de discrimination sont souvent appelées « restrictions voyages ».

Voir aussi :

MAJ 2024

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